Zoom sur les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG)

Les SPG – Systèmes Participatifs de Garantie – ont le vent en poupe depuis plusieurs années. Bien présents dans les pays des Suds, notamment en Amérique latine, en Asie et en Afrique, ils bénéficient d’un nouvel essor en Europe. Ce système d’assurance qualité se veut complémentaire et alternatif à la certification par des organismes tiers. De quoi s’agit-il ? Quel est son fonctionnement et quels sont ses avantages ? La Cellule Manger Demain, en collaboration avec le Mouvement d’Action Paysanne (MAP) et l’ONG Eclosio, lève le voile sur les SPG et le projet de société qu’ils portent.

Un SPG, qu’est-ce que c’est ?

Comment s’assurer de la qualité d’un produit ? Certains consommateurs, se dirigeront vers des produits labellisés ou certifiés. D’autres se fieront à l’honnêteté de leur producteur chez qui ils ont l’habitude de se fournir. D’autres encore, vont s’assurer par eux même de la qualité du produit en s’insérant dans un Système Participatif de Garantie (SPG).

Selon la définition officiellement reconnue par l’IFOAM[1] en 2004, les « Systèmes Participatifs de Garantie sont des systèmes d’assurance qualité ancrés localement. Ils certifient les producteurs sur base d’une participation active des acteurs, et sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances ». En d’autres mots, les acteurs définissent eux-mêmes ce qui doit être garantit, selon les conditions et les besoins locaux, dans une démarche participative. Il s’agit d’un véritable outil qui permet aux producteurs et consommateurs de se réapproprier leurs pratiques de production et leur alimentation.

A la différence d’une certification par tiers, les producteurs et consommateurs élaborent ensemble une charte de production qui peut être basée sur un référentiel agroécologique. Cette charte va souvent au-delà des critères purement techniques du cahier des charges de l’agriculture biologique : elle prend en compte des dimensions environnementales (biodiversité, saisonnalité, énergie renouvelable, localité…), sociales (rémunération juste, conditions de travail…), et éthiques.

De par sa nature, le SPG est particulièrement bien adapté aux marchés locaux et aux filières courtes.

[1]IFOAM = la Fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique, qui représente plus de 750 organisations dans 108 pays.

En pratique, comment est-ce que cela fonctionne ?

Selon l’IFOAM, les fondations du SPG sont la transparence, la participation, l’intégrité, le maintien des savoirs et savoir-faire locaux, l’apprentissage, et la gouvernance horizontale.

Dans la pratique, le SPG repose sur l’association de trois piliers : les mangeurs/consommateurs, les producteurs, et un organisme accompagnateur tiers. L’objectif est de mettre en place un dialogue constructif entre ces trois types d’acteurs pour améliorer les pratiques agricoles, et la qualité des produits. Le producteur qui développe un SPG est accompagné et soutenu par un groupe de personne avec qui il a co-construit une charte de production qui peut être basée sur un référentiel agroécologique proposé par l’IFOAM, par exemple[1]. Le dernier pilier, qui peut être une association, une plateforme, un réseau, des municipalités (comme en Bolivie où le gouvernement bolivien a reconnu officiellement le SPG), est le gardien du SPG : c’est lui qui donne une vision d’ensemble et les grandes orientations de l’assurance qualité des produits.

[1] D’autres organisations proposent également un modèle de référentiel : GASAP, le MAP…

Quelles sont les origines des SPG, et quels sont ses avantages par rapport à la certification officielle ?

Les mouvements de l’agriculture biologique furent les précurseurs du SPG courant des années 1970. A l’époque, en l’absence de certification officielle, l’assurance de la qualité et de la provenance biologique reposait sur des systèmes associatifs, dont certains sont encore en place aujourd’hui (c’est le cas de la certification Nature & Progrès France). A partir des années 1990, la reconnaissance officielle de l’agriculture biologique par plusieurs pays entraine l’obligation de passer par un organisme agréé pour délivrer une certification officielle. De nombreux acteurs issus des mouvements de l’agroécologie et de l’agriculture biologique ont critiqué plusieurs aspects induits par la certification par un organisme tiers, dont font partie les coûts et l’uniformisation des normes sanitaires et des processus de production[1]. Selon eux, la généralisation de cette pratique a progressivement dégradé les liens de proximité, d’échanges, et, in fine, de confiance entre les producteurs et les consommateurs.

Le SPG évolue en dehors de ces cadres réglementaires. Contrairement à la certification, il s’applique sur l’ensemble de l’exploitation et de ses produits. Il permet de s’adapter aux conditions de productions changeantes et aux contraintes particulières des petits producteurs.

Au-delà du respect d’une charte commune, le SPG offre un espace de rencontre et d’échange entre les producteurs et les consommateurs. Lorsque le producteur fait face à une difficulté, l’ensemble du groupe en discute afin de trouver une solution adaptée. Cela permet aux consommateurs de mieux comprendre les réalités du producteur, et de l’accompagner dans sa transition.

En outre, le SPG permet de se réapproprier une souveraineté alimentaire[2], c’est-à-dire le droit qu’ont les peuples de déterminer eux-mêmes leurs politiques alimentaires et agricoles. Ce droit inclut une alimentation de qualité, des revenus décents pour les producteurs, et le droit de protéger et réglementer la production afin de répondre aux attentes de la société et des exigences environnementales.

[1]Mundler, P. & Bellon, S. (2011). Les Systèmes participatifs de garantie : une alternative à la certification par organismes tiers ?. Pour, 212, 57-65. https://doi.org/10.3917/pour.212.0057
[2] La Via Campesina fut pionnier dans le développement du concept de souveraineté alimentaire. Pour en savoir plus : https://viacampesina.org/fr/la-souverainetliementaire/

Dans les Suds ?

Dans les pays des Suds, les systèmes participatifs de garantie ont pris une longueur d’avance par rapport à leurs voisins européens. Le marché des produits d’exportation s’est rapidement accaparé la certification officielle, au détriment des petits producteurs aux cultures diversifiées et aux petites surfaces, les obligeant à développer des alternatives participatives pour rétablir une relation de confiance avec leurs consommateurs.

Prenons le cas de la Bolivie où les SPG se sont développés avec le soutien d’organisations paysannes et d’organismes accompagnateurs. Le travail mené par diverses organisations de la société civile, dont l’AOPEB[1], a conduit à une institutionnalisation des SPG. Ainsi, depuis 2012, il existe une norme technique nationale qui reconnait les SPG. De plus, les gouvernements municipaux peuvent intervenir dans ces dispositifs (et endosser le rôle de « 3ème pilier »), ce qui peut conduire à des systèmes rassemblant plus de 400 producteurs[2]. D’autres pays tels que le Brésil et le Vietnam ont eux aussi légiféré sur les SPG.

Cependant, la reconnaissance des systèmes informels de garantie de qualité par les Etats n’est pas forcément simple. Au Pérou, une nouvelle loi destinée à reconnaitre et encadrer les SPG a fait polémique, car elle compliquait leur mise en œuvre : appel à des organismes certificateurs reconnus légalement, non inclusion des consommateurs, et obligation pour les producteurs/productrices contrôleurs d’être engagés sous la loi du travail péruvien (excluant de facto une grosse partie des petits producteurs). Suite à des négociations avec le gouvernement, le Consortium Agroécologique Péruvien et d’autres acteurs de la société civile sont parvenus à obtenir une nouvelle version de cette réglementation, la rendant moins contraignante et plus en phase avec « l’esprit SGP », et qui devrait être publiée fin 2021.

Reste à résoudre la problématique des coûts réels de la certification participative, qui est encore souvent subventionnée par les ONG. Si les producteurs y voient une réelle plus-value, alors le SPG va perdurer, surtout dans les milieux urbains plus « impersonnels » (cette plus-value est moins présente dans les milieux ruraux).

[1] Asociacion de Organizaciones de Productores Ecologicos de Bolivia : fédération des filières de commerce équitable et de produits biologiques, forte de 85 membres et regroupant un total de 70 000 producteurs biologiques sur l’ensemble du pays.
[2]« Définir et construire une agriculture durable à travers les systèmes participatifs de garantie », juin 2021, SOS Faim

En Belgique ?

En Wallonie et à Bruxelles, les SPG vont bénéficier d’un nouvel élan grâce à des subsides régionaux. Le Mouvement d’Actions Paysannes (MAP) et le Réseau des GASAP sont à la manœuvre pour développer les SPG en Wallonie et à Bruxelles.

Pour aller plus loin :

Manger Demain