La sécurité sociale de l’alimentation (SSA) : une solution pour
garantir une alimentation durable à toutes et tous

Inspirée de la sécurité sociale de la santé, la SSA, projet d’ampleur porté par de nombreuses associations en Belgique (le collectif SSA), vise à financer la transition du système alimentaire et à garantir l’accès à l’alimentation pour tou.te.s. Il faut le reconnaitre, l’aide alimentaire, organisé sur notre territoire par des organismes reconnus, ne permet pas un droit à l’alimentation suffisant : seul un tiers des personnes précarisées passe la porte de ces structures et les produits donnés sont bien souvent les rebuts de l’agro-industrie. Et si alors, nous participions à développer un système universel où chacun.e accèderait à une alimentation saine et durable et cotiserait à hauteur de ses moyens ? Découvrons-en les principes à travers cet article sur la SSA.

Quels sont les enjeux d’un tel système ?

Comme défini par le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels (Comité sur les DESC) : « Le droit à une alimentation adéquate est réalisé lorsque chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul ou en communauté avec autrui, a accès à tout instant, physiquement et économiquement, à une alimentation adéquate ou aux moyens de se la procurer.»

L’alimentation répond à un besoin humain fondamental : il est donc essentiel que l’ensemble de la population puisse accéder à cette alimentation (équité sociale). En ce sens, cette alimentation doit être :

Abordable

par rapport au revenu des personnes

Disponible

accessibilité géographique (magasins, points de vente)

Adéquate et choisie

En fonction de nos choix, nos besoins nutritionnels individuels, nos valeurs culturelles, etc.

durable

pour les générations futures : avec un impact environnemental faible et rémunératrice pour nos producteurs.rices

Or, à l’heure actuelle, ce n’est pas une vérité absolue : En Belgique, on estime que 600 000 personnes ont eu recours à l’aide alimentation en 2021. Toutefois, ce chiffre est calculé sur base des données récoltées par la fédération belge des banques alimentaires qui ne représenteraient qu’un tiers des personnes ayant réellement recours à l’aide alimentaire. De fait, les banques alimentaires ne comptabilisent que les personnes ayant recours à un système organisé (via CPAS, etc.) or certaines personnes n’osent pas se manifester auprès de ces organismes.

Dans le contexte actuel, exacerbé par les crises, difficile pour des personnes en situation de précarité de s’en sortir financièrement : le budget alimentation est bien souvent utilisé comme variable d’ajustement, c’est-à-dire qu’il varie fortement en fonction du disponible mensuel. D’autres dépenses telles que le loyer seront privilégiées au dépend d’une alimentation de qualité.

Dans une telle situation, comment privilégier une alimentation saine et durable ? Selon une étude Sciensano, les citoyen.ne.s en situation de précarité se retrouveraient davantage confronté à des maladies liées aux comportements alimentaires. Cela s’explique notamment par le budget alloué aux repas mais aussi aux moyens disponibles et utiles pour les réaliser (eau, énergie, matériel, etc.) : par conséquent, la précarité accentuerait un comportement de malbouffe / consommation de produits ultra-transformés lié à la situation de cette partie de la population et non par envie. En effet, plusieurs projets menés en alimentation durable montrent que les bénéficiaires de l’aide sociale, notamment alimentaire, sont très preneur.euse.s de produits locaux et de qualité. Toutefois, en l’état, ça ne leur est pas toujours accessible.

Il faut d’ailleurs noter qu’outre cette exacerbation liée aux revenus, une grande partie de la population ne mangent pas « bien » : par exemple, seul 12% de la population répond à ses besoins nutritionnels en fruits et légumes : il est donc important de remédier à cette malnutrition généralisée.

Découvrez cette réalité grâce à une interview de Jonathan Peuch :

La SSA, quelles solutions nous offre-t-elle ?

Inspirée de la sécurité sociale de la santé, la SSA est un projet qui se dessine depuis plusieurs années autour de la question de l’accès à l’alimentation pour chaque citoyen.ne. Elle vise également, par ce biais, à financer la transition du système alimentaire vers plus de durabilité.

Plus que l’aide alimentaire, accessible aux individu.e.s qui peuvent démontrer que leur situation économique est insuffisante (nécessite une démarche proactive), la SSA propose de rendre structurel le droit à l’alimentation au travers de mécanismes de solidarité et ainsi maintenir les acquis lors d’un changement de législature.

Mais de quoi s’agit-il et comment créer cette sécurité sociale de l’alimentation ?

La SSA propose une réponse systémique à ces enjeux en s’appuyant sur le droit à l’alimentation.  Levier vertueux et vecteur de changement de modèle/transition des systèmes alimentaires, elle s’appuie sur 3 piliers :

  1. la cotisation proportionnée aux revenus (Cela représenterait une augmentation de 3% des cotisations, équivalent à 50€ euros par mois)
  2. Redistribution universelle : les montants collectés seraient répartis entre les consammteur.trice.s et permettraient également d’investir dans des projets durables (accès aux terres agricoles, cantines, via les CPAS, etc.)
  3. le conventionnement démocratique : il s’agirait de définir, sur base de critères de durabilité, les produits visés par la SSA.

 

Tous cela dépend de notre environnement local : il faudrait donc s’appuyer sur des concertations locales : par exemple via des ceintures ou conseils de politique alimentaire.

La démarche serait progressive : En effet, à l’heure actuelle l’offre locale ne pourrait pas suivre : d’où le besoin d’investissement et de structuration des filières agricoles wallonnes pour répondre à la demande.

En sensibilisant les publics les plus éloignés de l’alimentation durable et locale, et en rendant structurel le droit à une alimentation de ce type, on permet ainsi à l’offre de se développer et on répond également aux enjeux de relocalisation de notre système alimentaire, tout en garantissant une accessibilité de ces produits et une juste rémunération aux différents acteur.trice.s de la chaine alimentaire.

En résumé, la SSA ?

Mais est-ce que l’on peut en déduire que nous ne pouvons rien faire à notre échelle ? Certainement pas ! Plutôt que d’opter pour des injonctions culpabilisantes à l’égard des individus, nous pouvons contribuer à la lutte grâce à une approche positive. En effet, attirer l’attention sur la problématique du gaspillage alimentaire, c’est également nous permettre de réfléchir sur nos modes de consommation, de revaloriser nos aliments, de les apprécier, de respecter le travail des producteurs.rices et de s’émerveiller à nouveau face à nos assiettes.

C’est un système de caisse commune à laquelle chacun.e participerait, à hauteur de l’ensemble de ses revenus (y compris revenus des sociétés, capitaux divers…). Le montant collecté serait ensuite reversée de manière universelle : on parle de 150€/habitant.e quel que soit son âge et son milieu social.

Le conventionnement repose principalement sur des caisses “primaires” gérées démocratiquement au niveau local, et articulées avec une instance nationale composée de membres représentants de ces caisses.

Née en France en 2019, et portée par différents acteurs de la société civile, les protagonistes belges en la matière sont Fian, aujourd’hui rassemblé aux côtés de nombreuses associations sous le collectif SSA.

Nombre de projets inspirants sont développés,  en France et en Belgique voici quelques liens :

  • Territoires à vivres – Montpellier et le lancement de la caisse commune ici en janvier 2023 ;
  • Supermarchés coopératifs (Beescoop, Poll’n, Vervicoop, etc..)
  • Les caisses de solidarité et les paniers suspendus expérimentés dans plusieurs points de vente en Wallonie (Agricoverts, Paysans Artisans, Vervicoop, etc..)
  • Des épiceries sociales (Le Kot’idien à Liège  , AlimenTerre Asbl à Louvain la Neuve).

Du local dans mon point de vente : des mécanismes pour accessibiliser l’alimentation durable

Grâce au soutien de la Wallonie dans le cadre du fond Ukraine, la Cellule Manger Demain expérimente une recherche-action par la mise en œuvre d’une caisse de solidarité commune dans des points de vente circuit court, vrac et bio en Wallonie.

Constituée d’une part, grâce aux cotisations volontaires des client.e.s, le montant récolté par chaque point de vente se voit doublé par la Région Wallonne à destination des épiceries sociales du territoire.

Cette caisse solidaire commune (privée + publique) permet alors l’approvisionnement d’épiceries sociales et de restaurants sociaux en produits locaux et frais, à destination de leurs bénéficiaires.

Cette recherche-action permet d’une part de soutenir le secteur de l’alimentation durable et de proximité et d’autre part de rendre accessible des produits de qualité différenciée à une frange de la population qui n’y a d’ordinaire pas accès.

Plus d’infos sur : https://www.mangerdemain.be/mecas-soutien/

Manger Demain