L’alimentation durable, moteur d’une économie plus juste ?

Aujourd’hui, focus sur un objectif du Référentiel “Vers un système alimentaire durable en Wallonie” potentiellement mal aimé : « Générer de la prospérité socio-économique » !

En effet, quand on parle durable, les idées fusent en lien avec la protection de l’environnement et les aspects sociaux ; la définition de développement durable nous vient du rapport Brundtland de 1987 en ces termes « un modèle de développement qui doit répondre aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures » et repose sur 3 piliers : social, environnemental, économique.

Nous vous proposons ici de réfléchir en quoi l’alimentation durable est un levier de durabilité économique, identifié en ce sens dans le Référentiel “Vers un système alimentaire durable en Wallonie” par son objectif stratégique 3 et par le Label Cantines Durables.

Revenu des agriculteurs-trices

Actuellement, la situation économique et sociale est difficile pour de nombreux acteurs de la chaîne agro-alimentaire et plus particulièrement les agriculteurs-trices (le revenu annuel d’un agriculteur élevant des bovins en viande est de 6.208€ en 2020, source DAEA). Pour s’en convaincre, il suffit de constater la diminution de la tranche de la population active dans ce secteur, plus d’un tiers des exploitations ont disparu en 30 ans et aujourd’hui, deux tiers des chef-fe-s d’exploitation ont plus de 50 ans (Celagri, 2019). Dans ce secteur en profonde mutation, les mots « bénéfices », « rentabilités », « coût de revient » ne sont pas à bannir, ils sont même nécessaires.

C’est aussi l’approche défendue par le label Prix Juste Producteur qui garantit une rémunération juste des producteurs-trices sur base de leurs coûts de production, mais aussi en replaçant l’agriculteur au centre des relations économiques avec les acheteurs. Cette démarche est innovante car dans notre système agro-alimentaire actuel, les producteurs-trices sont bien souvent face à des prix qui leur sont imposés que ce soit en raison de la variation des cours mondiaux, de la contractualisation avec l’agro-industrie ou de débouchés limités par des monopoles. Dans ce cadre, une labellisation qui garantit une juste rémunération sur l’ensemble de la filière pourrait également être intéressante à développer.

Maintenir des emplois décents et augmenter la rentabilité

Un moyen pour les agriculteurs-trices d’augmenter leur rentabilité est par exemple, la mise en place de circuits courts avec des dispositifs de type Community Supported Agriculture (le producteur-trice est en lien avec une communauté de mangeurs qui s’engagent pour une longue durée dans une démarche de solidarité avec lui-elle), magasin à la ferme, GASAP… Cependant, les circuits courts ne sont pas la solution à tout. Il est aussi indispensable de maintenir un tissu d’acteurs intermédiaires dans le cadre d’un système alimentaire durable. En effet, un tissu économique diversifié permet de créer et de maintenir des emplois décents. Il doit générer de la valeur ajoutée, la répartir équitablement et contribuer directement au développement territorial de la région.

Qui peuvent être ces acteurs intermédiaires ?

  • Des abattoirs, des ateliers de découpe pour nos troupeaux ;
  • Des moulins pour valoriser nos céréales ;
  • Des légumeries notamment pour faire la courroie de transmission entre les producteurs primaires et les restaurations collectives ;
  • Etc.

Tous ces acteurs économiques sont présents en Flandres à assez grande échelle mais rares et à plus petite échelle en Wallonie.

L’alimentation durable constitue un grand potentiel pour des innovations logistiques, de distribution, de conditionnement, de valorisation des invendus, des sous-produits… D’ailleurs, un certain nombre d’opérateurs d’insertion professionnelle (CISP, ETA…) s’y sont aussi intéressés et développent des initiatives particulièrement intéressantes.

Importance de la valorisation des métiers de bouche

Un système alimentaire durable doit aussi s’appuyer sur les savoir-faire notamment dans le cas des métiers de bouche et sur la revalorisation de ces métiers, comme par exemple l’asbl Devenirs qui a mis en place un certificat Commis de cuisine en alimentation durable. Echafaudage asbl et l’IFAPME notamment maintiennent une offre de formations de ces secteurs en lien avec la restauration collective.

On assiste notamment à une pénurie de boucher-e-s, cuisinier-e-s et autres, qui sont pourtant indispensables pour mettre en avant nos productions locales, proposer des produits transformés de qualité, maintenir nos cultures culinaires et un tissu économique et social local.

Tou-te-s ces artisan-e-s de l’alimentation apportent de la valeur ajoutée à notre système alimentaire et doivent donc être justement rémunéré-e-s à ce titre.

Vers un système alimentaire durable en Wallonie

Pour mettre en place un système alimentaire durable en Wallonie, il nous faudra compter sur les forces vives en présence et nous n’en manquons pas. Il faudra aussi laisser la place au secteur marchand de démontrer toute sa capacité à être acteur de changement sociétal en tissant un maillage social et économique adapté à nos productions et à la demande locale.

En tant que mangeur-euse, nous pouvons soutenir ces acteurs intermédiaires de la fourche à la fourchette en retournant chez les artisan-e-s du goût que sont les boulangers, charcutiers, etc…, en achetant nos aliments localement par le biais de coopératives, magasins collectifs de ferme ou autres. Le secteur de l’horeca fortement touché par la crise sanitaire n’est pas en reste sur l’engagement vers l’alimentation durable, il y a certainement des établissements qui proposent de très beaux produits près de chez vous.

Pour aller plus loin :

Manger Demain