Terres publiques agricoles, un bien commun
au service de la relocalisation de notre alimentation

La coopérative Terre-en-vue présentera à la Foire de Libramont 2022 le vendredi 29 juillet la première édition de son “guide de gestion des terres publiques” à l’occasion de sa conférence intitulée « terres publiques, terres de projets nourriciers ».  Retour sur différents moments de la trajectoire de cet outil à destination des opérateurs publics et sur les enjeux cruciaux du projet.

Terres publiques, un bien commun agricole

Fin 2020, la question des terres publiques faisait l’objet de quelques actualités, lorsqu’un acteur économique a voulu acquérir ou vendre des terres agricoles, afin de diversifier son portefeuille de biens. Cela a mis en lumière un enjeu majeur pour la résilience alimentaire de nos territoires, à savoir la mise à disposition de terres publiques à destination de projets agricoles nourriciers durables, qui peuvent ainsi contribuer au renforcement de nos systèmes alimentaires locaux. Aujourd’hui, alors que 60 % des agriculteurs ont plus de 60 ans et la moitié n’aurait pas de repreneur, les terres des opérateurs publics peuvent devenir un levier d’action concret pour soutenir et préserver une agriculture familiale. Mais ces politiques peuvent aussi contribuer à une meilleure gestion du patrimoine foncier public, à intégrer la nouvelle législation du bail à ferme, à lutter contre les érosions des sols et les inondations, la perte de biodiversité, etc…

C’est dans ce contexte que Terre-en-vue et CREDAL,  porteurs de l’un des 46 projets de relocalisation de l’alimentation et Manger Demain dans le cadre de sa mission de mise en cohérence de ces projets, ont organisé un cycle de deux webinaires dédiés aux enjeux liés aux terres publiques. Ces rencontres avaient pour objectif de sensibiliser et former les propriétaires publics de terres agricoles (villes, communes, CPAS, fabrique d’église et autres opérateurs publics) sur la manière de mobiliser les réserves foncières publiques au profit d’un système alimentaire durable en Wallonie.

Les webinaires comme outils de sensibilisation

Le webinaire de décembre 2021 « Terres agricoles publiques : terres de projets pour nos communes et citoyens ? » était consacré à la méthodologie pour la mise en place d’une politique foncière publique, tandis que celui de janvier 2022 « Terres agricoles publiques : le bail à ferme in concreto » abordait les questions liées autour de la nouvelle législation sur le bail à ferme[1]. Ces deux rencontres ont été l’occasion pour des entités publiques de partager leurs actions. C’est le cas de la Ville de Liège et de son projet CREaFARM@Liège au service du développement de projets d’agriculture urbaine, de l’innovation de la commune de Marche-en-Famenne au niveau des critères d’attribution d’une terre publique, du Potager de St Germain, projet d’insertion sociale du CPAS de Pepinster qui fournit en légumes de saison et bio une maison de repos et de soin.

[1] Pour remédier à divers problèmes (oralité des baux, le caractère quasi-perpétuel du bail à ferme, le manque de données sur l’état du foncier agricole wallon), le Ministre wallon de l’Agriculture de l’époque a initié en 2016 une réforme du bail à ferme, entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Les principaux changements concernent la sécurité juridique du bailleur et du preneur, la mise en place de mécanismes permettant de limiter les abus, ainsi que l’implémentation de mesures valorisant et privilégiant les baux de carrière et de longue durée.

Retour sur une participation exceptionnelle

La participation à ces rencontres virtuelles a dépassé les attentes : 330 participants inscrits, dont 80 communes, 30 CPAS, 40 fabriques d’église, 16 porteurs de projet agricoles, ainsi que des représentants du Service Public de Wallonie (Direction du développement durable et du SPW agriculture, ressources naturelles et environnement, Comité d’acquisition, …) et du tissu associatif (GAL, ADL, Parc Naturels, associations environnementales, ceintures alimentaires, syndicats agricoles…). Cet engouement souligne le profond intérêt des opérateurs publics pour ces enjeux et leur volonté de contribuer à un système alimentaire plus durable en favorisant l’installation de petits producteurs.

Quels sont les besoins identifiés ?

Le succès de ces premières séances a permis de révéler un certain nombre de contraintes et de besoins dans le chef des communes et autres opérateurs publics.

Premièrement, force est de constater qu’il demeure un certain nombre de lacunes, que ce soit au niveau de la circulation des informations ou un niveau de la formation des agents communaux appelés à gérer des questions foncières complexes. A l’heure actuelle, l’accès à l’information concernant la mise en location ou en vente des terres publiques demeure souvent cantonnée au territoire communal. Pour bon nombre de candidats agriculteurs, les modalités de mise en vente ou de location ne sont pas suffisamment claires. Une banque de données centralisée est une piste à creuser à condition d’être assortie d’une forme de régulation pour éviter toute forme de spéculation.

Ensuite, il y a un besoin criant des opérateurs publics en termes de moyens humains pour procéder à l’identification, la caractérisation et la cartographie des terres publiques et au recensement des différents types de contrats qui lient un agriculteur à ces terres.

Compte tenu de ces différentes étapes, la réalisation d’un appel à soumission par les pouvoirs publics invitant les agriculteurs à postuler pour la location d’une terre communale est un travail de longue haleine mais la nouvelle loi sur le bail à ferme permet d’élaborer des critères d’attribution soutenant des projets agricoles familiaux et nourriciers. Néanmoins, il arrive que certains propriétaires publics, à défaut de moyens humains et de temps pour réfléchir une politique publique foncière mettent en location de très grandes terres que seuls de grands exploitants agricoles peuvent gérer alors qu’une division de cette terre eut permis la diversification et une meilleure répartition des terres entre candidats locataires.

Quelles suites au projet « mobiliser les terres publiques » ?

Ces webinaires ont constitué les premières étapes de sensibilisation d’un processus de co-construction d’une gestion foncière publique. Depuis Terre-en-vue poursuit sa mission de formation d’agents publics avec d’autres initiatives. Des ateliers ont été organisés récemment à Bruxelles sur les différents modes de contractualisation liant un agriculteur à une terre publique. Un groupe de travail se met progressivement en place pour entériner une réflexion sur les critères d’attribution des terres. Un autre projet se développe également pour venir en soutien aux communes, via notamment la mutualisation d’un.e agent (juriste, cartographe, …) via un groupement d’employeurs.

D’autres formations avec l’expertise de Corentin Moreau (Service Public de Wallonie, DAFOR) seront également programmées dès l’automne prochain.

Des formations sur :

  • Le passage du bail oral au bail écrit
  • L’élaboration d’un cahier des charges de soumission 
  • La cartographie des terres publiques
  • Des ateliers d’analyse de baux
  • Des échanges de savoirs entre grandes villes
  • Des réflexions sur la transmission des fermes et le rôle des terres publics et des propriétaires publics dans cette problématique.

La publication d’un guide gestion « terres publiques »

Les ateliers de sensibilisation comme toutes ces autres étapes-clés de ce projet ont constitué les maillons d’une véritable recherche-action nourrie des expériences et des savoirs de chacun des participants. Le récit de cette recherche mené jusqu’à aujourd’hui est intitulé « Le guide de gestion des terres publiques”. C’est un outil d’une vingtaine de pages pratique et synthétique qui retrace clairement les enjeux et les étapes d’une politique foncière des terres publiques. Le recueil sera mis à jour chaque année en fonction des avancées des pratiques, des expériences. La première édition sera officiellement présentée à la Foire de Libramont le vendredi 29/7 à 15h (salle de conférence du Hall 3) et prochainement mise en ligne sur le site de Terre-en-vue.

Manger Demain